WEIL Maurice-Henri, La Campagne de 1814 d'après les documents des archives impériales et royales de la guerre à Vienne.
Paris, L. Baudoin, 1891-1895, 4 volumes.

Tome 3, p. 331

Affaire du curé de Pers : L'arrivée de Pacthod à Montereau, la présence d'Allix et de Souham à Moret, à Nemours et à Souppes, assuraient jusqu'à un certain point la sécurité de l'extrême droite des maréchaux. Quelques partis cosaques s'étaient montrés sur la route de Nemours à Montargis ; mais ils avaient été atteints dans leur retraite par les habitants de Pers qui, ayant leur curé à cheval à leur tête et secondés par les habitants de Ferrières, leur avait repris à Chéroy la malle de Paris et la diligence de Montargis dont ce parti s'était emparé le matin près de Fontenay. Comme l'écrivait le commandant de Montargis, le major Legros, au général Hulin (1), le 11 mars, "la conduite du curé de Pers mérite des éloges et mérite surtout d'être signalée." C'était le brave curé qui avait donné l'exemple à ses paroissiens, lui qui les avait décidés à courir aux armes, lui qui avait fait feu le premier. Le curé de Pers a, d'ailleurs, laissé une relation si simple, si naturelle, de la part qu'il prit à la défense du territoire nationale, que nous ne pouvons résister au désir de rendre justice à son patriotisme, d'essayer de faire sortir de l'oubli le nom de ce brave desservant, l'abbé Pothier, et de mettre sous les yeux du lecteur le récit qu'il a fait des événements du 10 mars. (2)
"Averti le 10 mars, dit l'abbé Pothier, qu'un parti de cosaques détaché du camp de Saint-Valérien, s'était rendu par Ferrières dans les environs de Fontenay sur la route de Paris à Lyon pour intercepter les communications et s'était emparé de la malle et de la diligence au moment où elles s'étaient croisées, je pris la résolution de réunir 8 à 10 habitants de la commune et de me mettre à leur tête. Je montai à cheval. Ils étaient tous ainsi que moi armés de fusils doubles, et nous fûmes au-devant de l'ennemi que nous rencontrâmes à 10 heures du matin sur le chemin de Ferrières au Bignon, entre le hameau des Roudiers et celui d'Urson. Nous n'avions à combattre que 5 hommes, 2 en avant, 3 en arrière, conduisant au camp la prise qu'ils avaient faite.
"Je mis le sabre à la main et, soutenu par les hommes qui m'accompagnaient, je fondis sur ces brigands. Au premier coup de fusil, l'un des deux cosaques de l'avant-garde prit précipitamment la fuite et le second fut grièvement blessé d'un coup de feu à l'épaule. Les trois autres, épouvantés de la vigueur de l'attaque, s'enfuirent également et nous abandonnèrent les deux voitures, les chevaux, les postillons, les voyageurs et les dépêches encore intactes. Dans la crainte où j'étais d'être surpris ou atteint par un plus grand nombre, je fis conduire la prise par quatre de mes concitoyens dans le bois de Forville, voisin du point où nous étions placés.
"Au même instant, je fus averti et j'aperçu une portion du même détachement restée en arrière et amenant dans la même direction une voiture chargée de marchandises également arrêtée sur la route de Fontenay.
"Secondé par quatre de mes habitants, nous tirâmes sur l'escorte ; elle prit la fuite et nous lui enlevâmes les chevaux, la voiture et les marchandises. Le tout fut de suite conduit au village où les chevaux harassés de fatigue et de mauvais traitements furent obligés de séjourner pour prendre du repos.
"Un quart d'heure après notre arrivée, tous ces brigands s'étant ralliés, arrivent et demandent qu'on leur rende les voitures, menaçant les habitants du pillage et de l'incendie. La porte du domicile du particulier devant lequel était la voiture du marchand fut enfoncée ; ils lui prirent la couverture de son lit, plusieurs autres objets et mirent le feu sous cette voiture, ce qui fit éprouver au propriétaire une perte d'environ 6,000 francs.
"Néanmoins l'ennemi, convaincu que les habitants, qui m'avaient si courageusement secondé, ne seraient pas moins brave en défendant leurs foyers qu'en rase campagne, a promptement évacué la commune n'emmenant avec lui que mon cheval, parce que, lors de la première rencontre ayant mis pied à terre pour, en tirant, être plus sûr de mes coups, il s'est effrayé, a pris la fuite et a été se joindre à ceux des cosaques. Le résultat de cette journée est : 1) 14 chevaux arrachés à l'ennemi ; 2) La reprise des valeurs et dépêches.
"Dès que j'ai été débarrassé de la présence des cosaques, j'ai expédié un exprès à Montargis d'où l'on a envoyé chercher la malle, la diligence et les voyageurs dont le retour a été protégé par une escorte de 100 hommes de la garnison de cette ville."

      (1) Major Legros au général Hulin (Archives de la guerre).
      (2) Rapport de l'abbé Pothier, desservant de Pers, au major Legros sur les événements arrivés dans sa commune les jeudi 10 et mercredi 16 mars 1814.
Pers, 19 mars. (Archives de la guerre).

p. 382 :
Nouveaux coups de main du curé de Pers.
Avant de quitter Saint-Valérien pour revenir à Sens, les cosaques de Seslavin avaient eu une fois encore maille à partir avec le brave curé de Pers. " Pour mieux observer la marche (…) "

(1) Rapport de l'abbé Pothier, desservant de Pers, au major Legros, commandant la place de Montargis, Pers, le 19 mars (archives de la guerre).

 

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