LES
Invasions
de 1814 - 1815 et 1870
A
MONTARGIS
L'INVASION DE 1814 A MONTARGIS
Ayant étudié
sur place la bataille de Beaune-la-Rolande, bataille précédée
des mouvements des troupes allemandes autour de Montargis, de leur passage
et de leur séjour dans cette ville, j'ai eu la curiosité de
rechercher, dans les archives de l'hôtel de ville, tous les documents
se rapportant à l'invasion.
Dans des dossiers très volumineux, j'ai trouvé
quelques renseignement intéressants au point de vue militaire, tant
au point de vue des devoirs qui incombent aux municipalités et de
leur mission difficile en ces moments, qu'à celui des fonctions de
commanddant de place.
Ce sont ces renseignements que je consigne ici.
J'en ai profité
pour rechercher en outre les événements intéressant
mon ancienne ville de garnison et ses environs, relatifs aux invasons de
1814 et de 1815.
A
ELEMENTS HISTORIQUES
L'hetman Platow s'était
présenté, le 30 janvier 1814, sous les murs de Sens qu'il
canonna, et où commandait le général Alix. Celui-ci
dut battre en retraite pendant que le prince royal de Wuertemberg entrait
dans la ville et la laissait piller.
La marche des envahisseurs et le bombardement de
Sens firent concevoir des craintes pour la sécurité de la
ville de Montargis, qui n'était alors défendue que par 293
hommes du 121e de ligne et par la garde urbaine. En prévision d'une
attaque certaine, les charrons, charpentiers, etc., furent réquisitionnés
le 28 janvier, et une somme de 10 000 francs, prise sur les fonds de service
des ponts et chaussées, fut mise à la disposition de M. Boucher,
ingénieur, pour être employée à la mise en état
de défense de la ville.
Le château devint une petite citadelle ; des
barricades entourèrent la ville, des fossés furent creusés,
des chevaux de frise construits ; les ponts furent minés ; une compagnie
de canotiers s'organisa.
Le 3 février, un groupe de 50 cosaques s'avança
jusqu'à l'ancien couvent de Saint-Dominique ; cette avant-garde était
soutenue par d'autres détachements qui côtoyaient la lisière
de la forêt.
Le major Legros, commandant la place de Montargis,
fit battre la générale et braqua les deux pièces de
canon dont il disposait sur le pont de la Chaussée ; ses hommes s'embusquèrent
derrière les maisons du faubourg. Un coup de canon et quelques coups
de fusil firent prendre la fuite aux éclaireurs ennemis.
Les Alliés allaient bientôt revenir.
Relation
extraite du registre des arrêtés du maire.
Le 11 février 1814,
M. Legros, commandant d'armes de la place de Montargis, informé
et ayant la certitude qu'une colonne ennemie, forte de plus de 10 000
hommes, infanterie et cavalerie, campée depuis quelques jours
sur la route de Courtenay à Souppe par Fontenay, et dont plusieurs
de détachements de 35, 50, 75 cavaliers se présentaient
journellement depuis le 2 de ce mois sous les murs de cette ville, du
côté de la route de Paris, avait effectué dans cette
journée son passage à Souppes, dont elle était
parvenue à rétablir le pont, et qu'une partie de cette
colonne, au nombre de 2 000 hommes, se dirigeait sur Montargis par Château-Landon,
jugea de la prudence de faire évacuer sans délai la place
par la garnison, regardant qu'il serait contre les règles de
l'art militaire de chercher à défendre cette position,
attendu que la garnison, forte seulement de 203 hommes du 121e de ligne,
presque sans munitions, et de la garde urbaine, à peine organisée
et sans armes, ne présentait pas une force suffisante pour combattre
avec avantage un ennemi aussi supérieur en nombre, et que, d'autre
part, les travaux de défense ordonnés par S. Ex., le Ministre
de l'Intérieur, n'étaient pas encore achevés.
L'évacuation de la troupe de ligne se fit en
conséquence à minuit, ayant à sa tête MM.
le commandant de place, sous-préfet, ingénieur, inspecteur
des domaines (mot illisible), contrôleur, receveur des droits
réunis et autres fonctionnaires publics, qui tous se dirigeaient
sur Gien.
Le 12 février 1814, la ville, réduite
à sa seule garde nationale sans munitions, incapable par là
même d'aucune défense ni résistance, fut envahie
par une colonne de cavalerie composée de 1 800 hommes, tant russes,
hussards, lanciers que cosaques . Cette colonne, dont 100 hommes avaient
paru dès le matin au point du jour, sur les hauteurs dans le
faubourg et à la porte de la Sirène, établie à
l'angle de la maison dite l'"Ecu de la Montagne", dont le
commandant avait demandé l'entrée, laquelle lui avait
été refusée, pénétra dans la ville
à 2 heures du soir, ayant deux canons de 7, mêches allumées.
Arrivée sur la place d'armes, elle s'y rangea en bataille. Après
quelques évolutions, elle en partit pour ce porter derrière
le château, au bout du faubourg de la Conception, sur la route
d'Orléans, où se trouvait logé la commandant de
la colonne, nommé Seslavin. Sur ces entrefaites et pendant ce
temps, l'officier interpète du commandant se rendit à
l'hôtel de ville, où se trouvaient réunis depuis
plusieurs jours, par la force des évènements et des circonstances
difficiles, MM. le maire, adjoints et membres du conseil municipal.
Là cet officier fit, de la part de son général,
des demandes sans nombre en denrées de toute espèce, en
vivres et en subsistances pour les chevaux de la colonne. Le désir
de conserver la paix et la tranquillité dans la ville, et la
crainte de voir l'ordre public troublé portèrent MM. le
maire, adjoints et membres du conseil à y obtempérer,
après avoir fait plusieurs observations à cet officier.
Des réquisitions en foin, avoine, paille, vin et denrées
de toute espèce furent faites en conséquence aux habitants,
qui les remplirent et les transportèrent aux différents
camps.
Le lendemain 13, nouvelles demandes de la part de
l'ennemi pour la subsistance de la journée, auxquelles on ne
put satisfaire qu'au moyen de réquisitions faites dans les communes
rurales, surtout en foin, paille, avoine, grains, eau-de-vie et vin,
objets de consommation dont la ville se trouvait en partie épuisé
par les fournitures faites la veille et dans la nuit. A 10 heures, l'officier
interprète de commandant se présenta de nouveau à
la mairie et fit des perquisitions en drap, toile, bottes, souliers,
fers pour les chevaux, etc. Les demandes du général, portées
d'abord à :
- 3 000 aunes de drap,
- 2 000 aunes de toile
- 60 paires de bottes,
- 300 paires de souliers,
- 400 paires de fers
furent réduites dans le jour à force de démarches
et de sollicitations auprès du commandant, savoir, à :
- 750 aunes de drap gros gris,
- 250 aunes de drap fin,
- 200 aunes de serge rouge et blanche,
- 600 aunes de toile,
- 150 paires de souliers,
- 52 peaux de veau,
- 70 paires de gants,
- 200 paires de fers.
Les mêmes motifs de considération dirigèrent
encore MM. le maire, adjoints et membres du conseil municipal dans les
réquisitions qu'ils se virent forcés de faire aux différents
marchands de la ville pour se procurer ces objets.
Cette réquisition remplie et complétée,
M. le commandant en donna un récépissé, portant
indication à MM. les chefs de colonne qui pourraient traverser
cette ville de ne plus l'inquiéter par de nouvelles réquisitions.
Au moyen de l'exactitude mise à remplir tant cette demande que
celles faites à toute heure du jour et de la nuit, en vivres
et denrées de toute espèce, l'ordre et la tranquillité
publique furent maintenus dans la ville.
Le 14, la colonne leva le camp et dirigea sa marche
sur Orléans, en prenant les routes de Beaune et de Bellegarde,
laissant seulement dans un de ses camps un capitaine et 60 cosaques
qui, le 16, allèrent camper sous les murs de Saint-Dominique
et y bivouaquèrent jusqu'au 20. A cette époque, la colonne
qui s'était portée jusqu'à Orléans, où
elle avait eu une affaire désavantageuse avec partie de la garnison
sortie de cette ville, reçut tout à coup l'ordre de rétrograder
(1) ; elle arriva et entra inopinément dans la ville à
8 heures du matin. A son arrivée, de nouvelles réquisitions
en vivres de toute espèce furent faites et remplies. 400 aunes
de serge, de dentelles et de draps furent encore furnies, malgré
la promesse faite par le général, le 13, de ne plus rien
exiger à l'avenir.
A 3 heures du soir, cette colonne se mit en marche
et partit de la plaine de Saint-Dominique, où elle avait établie
son dernier camp, pour se porter sur Sens, en prenant la route de Courtenay
par Ferrières.
Fait à Montargis, le 23 février, jour
où les commandants de place, sous-préfet, ingénieur
et autres fonctionnaires publics et les 293 hommes du 121e de ligne
revinrent de Gien et rentrèrent à Montargis."
Après la prise de Sens par les alliés, la division Allix
s'était retirée sur Joigny, puis de là sur Montargis
; elle arriva dans cette ville le 8 mars, à 2 heures du matin,
venant de Châteaurenard, et bivouaqua à l'extrémité
du faubourg de la Chaussée ; après le repos de quatre
heures, la division continua sa marche sur Nemours.
Le général Allix et les officiers entrèrent
seuls dans la ville. Pendant son court passage, le général
fit placarder la proclamation suivante adressée au major Legros
:
J'ai l'honneur de vous prévenir que je vous
charge spécialement de la défense du Loing au dessus et
au dessous de Montargis jusqu'au Fusain. Vous aurez soin en conséquence
de faire détruire et gâter tous les gués sur le
Loing. Vous emploierez à cette défense non seulement les
troupes de ligne sous vos ordres, mais encore tous les hommes armés
des villes et villages situés sur les bords de la rivière,
surout sur la rive gauche, à qui vous donnerez une organisation
propre à cet effet.
Tout individu qui se refuserait aux ordres que vous
donnerez, ou qui quitterait son poste en présence de l'ennemi,
sera arrêté et conduit à mon quartier général
pour être traduit à une commission militaire comme fauteur
de l'ennemi.
"Allix
"commandant la 8e division"
Le général blâma
le maire de ne pas s'être opposé à l'entrée des
Russes dans la ville, lui dit même qu'il méritait d'être
pendu, mis que si l'ennemi se présentait de nouveau, il comptait
qu'il réparerait sa faute, car il était de son devoir de laisser
la ville en cendres plutôt que de la rendre. Il ordonna que le château
serait approvisionné de 7 400 rations de pain, viande sur pied, vin,
eau de vie, légumes secs et sel, et de 900 rations de fourrages.
De nouvelles fortifications furent établies, des
redoutes construites autour du château ; les portes furent fortifiées
et la garnison reçut de nouveaux renforts.
Le 11 mars, le major Legros adressa la lettre suivante au
général Hullin :
Mon
général
Le parti ennemi qui, hier matin, a intercepté
la route de Nemours à Montargis s'est retiré à
quelques lieues. Attaqué dans sa retraite par les habitants de
Pers, ayant le curé à cheval à leur tête,
et secondés par ceux de Ferrières, il a abandonné
à Chevry la malle de Paris et la diligence de Montargis, dont
il s'était emparé le matin près de Fontenay.
Sur l'avis que ces deux voitures se trouvaient dans
un bois en avant de Pers, j'envoyai sur le champ 100 hommes de ma garnison
pour les ramener à Montargis ; elles y sont rentrées le
soir, sans que rien n'ait été distrait ; des rouliers
et des postillons ont été délivrés de la
même manière.
La conduite du curé de Pers mérite des
éloge ; il a surtout donné l'exemple ; il a fait feu le
premier sur l'ennemi ; mais, descendu de cheval pour se mettre en ligne
avec ses paroissiens, son cheval s'est échappé et est
allé se réunir à ceux des cosaques.
Les habitants des campagnes montrent beaucoup de bonne
volonté à se défendre ; je leur fournis tous les
moyens que j'ai à ma disposition pour soutenir leur ardeur.
Pour vous donner plus de détails sur l'affaire
de la commune de Pers, je vais vous faire connaître le rapport
qui en a été dressé :
M. le
curé de Pers, l'abbé Pothier, ayant été
averti, le 10 mars, qu'un parti de cosaques, détaché du
camp de Saint-Valérien, s'était rendu par Ferrières
dans les environs de Fontenay, sur la route de Paris à Lyon,
pour intercepter les communications, et s'était même emparé
de la malle-poste et de la diligence, prit la résolution de s'y
opposer, et réunit à cet effet quelques habitants de sa
commune, et se mit à leur tête. Il se porta au devant de
l'ennemi avec sa petite troupe, composée de 10 hommes bien armés
de fusils doubles, et le rencontra à 10 heures du matin, sur
le chemin de Ferrières au Bignon. 5 hommes seuleument escortaient
la prise que l'ennemi avait faite. A leur approche, entre les hameaux
des Rondiers et d'Hurson, le curé mit aussitôt le sabre
à la main et fondit sur eux. Au premier coup de fusil, l'un des
deux cosaques de l'avant-garde prit la fuite ; le second fut blessé
grièvement d'un coup de fusil à l'épaule ; les
trois autres, épouvantés, prirent également la
fuite, en abandonnant chevaux, voitures et gens.
Dans la crainte d'être surpris par un plus grand
nombre, le curé fit conduire la prise dans le bois de Norville,
voisin du poste où il était placé. Au même
instant il fut averti qu'une portion du même détachement,
restée en arrière, amenait dans la même direction
une voiture chargée de marchandises ; il s'y porta aussitôt,
fit tirer sur l'escorte qui abandonna la voiture, laquelle fut conduite
au village. Mais peu de temps ensuite, les cosaques entrèrent
en grand nombre dans Pers et demandèrent qu'on leur rendit les
voitures. Ne pouvant rien obtenir, ils mirent le feu sous celle du roulier
qui, parce fait, perdit perdit pour plus de 6 000 francs de marchandises.
L'ennemi se retira ensuite et aussitôt M. le curé fit part
de ces évènements au commandant de la place de Montargis,
qui envoya 100 hommes pour servir d'escorte aux voitures, qui furent
ramenées à Montargis.
Le 15, la commune de Pers fut frappée de réquisitions
par l'ennemi, savoir :
- 2 vaches,
- 800 décalitres d'avoine,
- 300 kilogrammes de pain,
- 600 bottes de foin.
Le tout allait être conduit au camp de Saint-Valérien,
lorsque le curé s'y opposa et menaça les habitants de
s'emparer du convoi et de la faire conduire aux troupes de la garnison
de Montargis. Les habitants cédèrent à sa demande
aussitôt pour observer l'ennemi. Le curé se rendit le 16
au matin au Bignon, où il vit une dizaine de cosaques qui se
rendaient de Chevry à Fontenay par la même route qu'avaient
tenue ceux du 10. Présumant qu'ils reviendraient le soir par
le même chemin, il organisa de nouveau une compagnie et se rendit,
sur les cinq heures du soir , dans une vallée entre Chevannes
et Pers ; il plaça à 20 pas de son petit corps, au bout
du bois appelé la Boulinière, un avant-poste auquel il
recommanda de ne faire feu que sur la deuxième personne du détachement,
dans la crainte que la première ne fut un guide pris dans le
pays ; quand à lui, il resta avec le surplus de ses hommes dans
un bois élevé appelé le Miroir.
A 8 heures
du soir, par un temps des plus noirs, trois coups de fusil firent connaître
que l'ennemi était en présence ; le poste avancé se replia sur le petit
corps commandé par le curé qui, aussitôt, fit une fusillade très nourrie.
L'ennemi, n'étant qu'à 15 pas, tous les coups portèrent et le forcèrent
à la retraite. Dans l'impossibilité où on se trouvait, à cause de l'obscurité;
de faire des recherches sur le champ de bataille, le curé laissa une garde
de nuit et se rendit chez lui avec le reste de son monde et le postillon
de la malle qui venait d'être pillée à Fontenay.
Le lendemain, à la pointe du jour, on trouva 12 cosaques
morts ; 5 autres, blessés, moururent au camp de Saint-Valérien.
Le même jour, Pers fut envahi par 150 cosaques qui, pour
se venger, se livrèrent au pilage pendant une partie de la journée ; ils
emmenèrent 15 habitants, la corde au cou, au camp où on menaça de les fusiller
s'ils ne dénonçaient pas le chef de l'expédition. Ils furent cependant remis
en liberté après avoir affirmé que le coup avait été fait par des troupes
de la place de Montargis. "
Pour ce brillant coup de main, le curé de Pers fut décoré
de la Légion d'honneur [1- on ne peut guère trouver d'exemple d'une embuscade
aussi bien tendue.].
Le 9 avril, une colonne de 1800 cosaques de la garde
venant de Pithiviers, se présenta à la porte de la Sirène, se disposant
à traverser la ville pour se porter sur Château-Renard. L'alarme fut aussitôt
donnée. La garnison, rentrée de Gien, et augmentée de plusieurs détachements
de l'armée d'Espagne et de gardes nationaux vendéens, prit immédiatement
les armes. Le commandant de place, accompagné du sous-préfet et du maire
- malgré la suspension d'armes - s'opposa au passage de la colonne, afin
d'éviter une collision possible entre les cosaques et la garnison ; mais
il leur donna des guides pour les faire passer par le Gué-aux-Biches.
Le même jour, 9 avril, fut distribué clandestinement
dans la ville un écrit ainsi conçu :
ARRETE DU PEUPLE FRANÇAIS
Considérant que la ville de
Paris a manqué à la fidélité qu'elle avait vouée à S.M. Napoléon, notre
très auguste et bien-aimé Empereur, en recevant dans ses murs les ennemis
de l'Empire et en voulant placer sur le trône de ce souverain de la Nation
française un prétendu Louis XVIII, espèce de roitelet présenté par l'Erostrate
de la Russie, le Néron prussien, le Chilpéric anglais et l'Antiochus Autrichien
; que non contents de ce, les monstres qui habitent cette cité, si justement
appelée par les coalisés, depuis son parjure, la Grande Cosaquie, osent
encore répandre dans les villes de l'Empire qui soutiennent la bonne cause,
celle de Napoléon le Grand, et qui lui sont restées fidèles, des journaux,
proclamations et autres écrits séditieux tendant à corrompre la fidélité
des bons citoyens qui les habitent et e les rendre parjure comme eux.
Vu ces motifs, le peuple français, levé en masse pours
e venger quand il sera temps,
Arrête ce qui suit :
- Art. 1er. - L'infâme ville de Paris s'étant parjurée
et ayant pris le 31 mars dernier, le nom de Cosaquie, et ses habitants celui
de Cosaques, nous déclarons que toute ville qui aura quelque relation avec
cette cité ennemie sera considérée comme rebelle à la Patrie, au Grand Napoléon,
et punie comme telle.
- Art.2. - Tout citoyen qui recevra les journaux et autres
écrits provenant de la Grande Cosaquie (ci-devant Paris) et s'abouchera
par cet effet avec les libellistes de ce mauvais lieu, sera déclaré ennemi
de la Nation et de son auguste souverain et énergiquement effacé du nombre
des Français, et puni de mort à l'heure de la vengeance.
- Art. 3. - Les citoyens qui s'honorent du nom de Français
et voudront être reconnus comme tels sont tenus de s'armer et de se tenir
prêts au premier rappel qui sera fait par l'empereur Napoléon, de le suivre
partout où besoin sera et de verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang
pour la défense de son trône. Ce n'est qu'à ce titre et à ceux de l'article
suivant que nous reconnaîtrons les vrais Français.
- Art.4. - Nous déclarons que nous ne reconnaîtrons pas
bons et fidèles Français et sujets de Napoléon Ier, notre Empereur, ceux
qui ne prendront pas la devise suivante :
A bas Louis XVIII et les traîtres qui composent
le Gouvernement provisoire.
Vive à jamais Napoléon et le roi de Rome.
Haine implacable aux Parisiens cosaques et aux
autres ennemis de notre belle Patrie.
Guerre à mort plutôt que de faire une paix honteuse
qui nous priverait du monarque que nous nous sommes choisis.
Point de Louis XVIII, ni de droits réunis.
Vive Napoléon, protecteur de la liberté des cultes.
Au palais de la Vérité, l'an de grâce 1814, scellé
de notre grand sceau de justice et de fidélité.
LE
PEUPLE FRANÇAIS
Le 11 avril, un détachement
de houzards hongrois, venant de Joigny, traversa le faubourg de Paris.
Le 20, Napoléon, venant de Fontainebleau, où il avait fait
ses adieux à sa vieille garde, arriva à 4 heures du soir à Montargis, dans
une voiture à six chevaux. Il était escorté des commissaires des alliés,
qui l'accompagnaient jusqu'au point d'embarquement pour l'île d'Elbe. Le
1er régiment de chasseurs de la garde, arrivé le 16 à Montargis, où il devait
tenir momentanément garnison, forma la haie sur son passage.
B
ORDRES DES AUTORITES
DU DEPARTEMENT
Réquisition
des chevaux et des armes
Montargis, le 27 janvier 1814
Le sous-préfet de l'arrondissement de Montargis aux Maires des communes
de l'arrondissement.
Monsieur,
M. le Préfet me fait connaître que le contingent
assigné au département, dans la livraison des 2.500 chevaux d'artillerie
ordonnée par décret impérial du 22 de ce mois, est de 100 chevaux, dans
le nombre desquels mon arrondissement est compris pour 22.
Pour faciliter et accélérer la livraison du contingent
qui m'est assigné, je l'ai subdivisé entre les cantons ; d'après les
bases que j'ai adoptées, le vôtre doit fournir 2 chevaux de 4 P. 9 à 11p.
et 2 de 4 P.7 à 9 p. Les chevaux doivent être âgés de 5 à 9ans... Le prix
de chaque cheval est fixé à 400 francs... Les chevaux devront être conduits
à Orléans et de là à Rambouillet (par des conducteurs choisis par le propriétaire
; 1 conducteur par 4 chevaux au plus).
P.-S. - M. le Préfet m'informe que S.E. Le Ministre de
la guerre prescrit de faire armer en fusils de munition français et étrangers,
fusils de chasse et fusils de toute espèce, les gardes nationaux du département
levés en exécution du décret impérial du 6 de ce mois...
Gardes
forestiers
Monsieur le Sous-Préfet,
L'ordre qui prescrit la réunion des gardes forestiers
les assimilant à la troupe de ligne, j'ai l'honneur de vous prier de faire
délivrer les vivres de campagne aux 18 gardes des eaux et forêts qui se
trouvent ici et qui, à dater d'aujourd'hui, sont employés à un service militaire.
Le 4 février 1814.
Le commandant de place LEGROS
Vivres
à la garnison
Montargis le 8 février
1814
Monsieur le Maire,
Le 4e bataillon du 121e régiment, qui reste ici en garnison
par ordre de S.E. Le Ministre de la guerre, doit recevoir la totalité des
vivres de campagne. Ils lui sont dûs aujourd'hui. Veuillez les lui faire
délivrer comme par le passé, en y ajoutant des légumes secs.
Le major, chevalier de l'Empire, commandant à Montargis
LEGROS
Réquisitions
de chaussures
Le Préfet du Loiret
à M. le Maire de Montargis
L'Empereur vient d'ordonner qu'il soit fait à Paris
un approvisionnement de 100.000 paires de souliers, et ce département est
appelé à y concourir pour 10.000 paires. Je dois en outre en faire confectionner
2.100 paires pour l'usage des bataillons mobilisés de la garde nationale...
Il faut que ces fournitures soient toutes livrées pour le 15 juin prochain.
… La paire de souliers sera payée aux cordonniers
sur le prix de 5 francs
…Votre commune est appelée à fournir 900 paires.
LEROY
Distribution
de vin
Le Sous-Préfet de l'arrondissement
de Montargis à M. le Maire de Montargis.
M. le Commandant de place m'informe, par sa lettre de
ce jour, que la présence de l'ennemi dans les environs de cette ville depuis
le 2 de ce mois, a exigé de la troupe sous ses ordres un service extrêmement
pénible. Il me requiert en conséquence de faire délivrer le vin à raison
de un demi-litre par homme et par jour.
Je vous invite, en conformité des lois et règlements
militaires, à faire fournir chaque jour à la troupe qui compose la garnison
de cette place la quantité de vin que reçoit ordinairement chaque militaire
faisant partie de l'armée active. 10 février 1814
Arrivée
des ennemis
Orléans le 21 février
1814.
Circulaire.
Monsieur le Maire,
La négligence que vous avez eue jusqu'à présent à instruire
l'autorité militaire d'Orléans de l'arrivée de partis ennemis dans votre
commune ayant été très préjudiciable au bien du service et empêchant les
forces françaises de prendre assez à temps les mesures nécessaires pour
empêcher l'invasion de l'ennemi, vous voudrez bien, Monsieur le Maire, au
reçu du présent ordre, vous assurer d'une ou plusieurs personnes de confiance
qui devront, soit de jour, soit de nuit, venir m'avertir promptement du
passage ou de l'arrivée de l'ennemi dans votre commune, en observant avec
la plus grande exactitude le nombre et le genre des troupes. Cet ordre est
de rigueur.
Le général de brigade, commandant la subdivision militaire,
Chasseraux
Réquisition
de voitures
Château-Renard, le 7
mars 1814
Le commissaire des guerres de la division Allix à M.
le Maire de Montargis.
D'après l'ordre de M. le général de division Allix, j'ai
l'honneur de vous inviter à requérir de suite 50 voitures attelées de 2
chevaux chacune pour conduire les bagages et blessés de sa division, qui
arriver de très grand matin demain mardi à Montargis [ la division arriva
le 8 mars à 2 heures du matin à la Chaussée]. Ces voitures devront être
réunies sur la place à six heures du matin.
Constitution
d'approvisionnement
Montargis le 8 mars
1814
Le Commandant de place à M. le Sous-Préfet
Des ordres positifs de S.E. Le Ministre de la guerre
[Communiqués par le général Allix à son passage à la Chaussée ] me chargent
de prendre tous les moyens en mon pouvoir pour défendre la ville de Montargis
des attaques de l'ennemi. Comme il serait possible qu'à la suite d'une vigoureuse
résistance toutes les issues et communications avec le dehors soient coupées,
je n'aurais d'autre parti que de me retirer avec ma troupe au vieux château
en attendant des renforts.
En conséquence..., je vous invite et vous requiers au
besoin d'y faire fournir sans délai la quantité de rations de vivres et
autres objets désignés dans la note ci-jointe par les soins de M. le Maire
de Montargis.
LEGROS
Ci-dessous l'état :
7.400 rations de pain ;
7.400 rations de viande sur pied ;
7.400 rations de vin, soit 14 pièces ;
7.400 rations d'eau-de-vie, soit 2 pièces ½ ;
7.400 rations de légumes secs, soit 40 doubles décalitres
;
7.400 rations de sel ;
900 rations de fourrage ;
1.900 bottes de paille.
Réquisition
de voitures
Le 12 mars 1814
Monsieur le Maire de Montargis est prié de faire fournir
une patache à M. Gaumont, officier du 153e régiment, envoyé en mission près
de moi par M. le commandant de Gien, et qui doit retourner.
LEGROS
Curage
du puits du château
M. le Maire,
J'ai l'honneur de vous prier d'ordonner que le puits du château,
qui se trouve dans l'enceinte, soit nettoyé le plus tôt possible.
LEGROS
C
ARRETES
DU MAIRE
Réquisition
d'ouvriers pour les travaux de défense de la ville
Le Maire de la ville
de Montargis,
Vu la lettre de M. l'ingénieur ordinaire des ponts et
chaussées à cette résidence, sous la date de ce jour, par laquelle il lui
transmet l'état des ouvriers qui lui seront nécessaires pour mettre à exécution
les travaux qu'il est chargé de faire pour mettre en état de défense, d'après
l'ordre qu'il en a reçu de S.E. le Ministre de l'intérieur, et par laquelle
il lui demande de mettre ces ouvriers à sa disposition.
Arrête que les ouvriers portés audit état seront sur-le-champ
mis en réquisition et dirigés sur les points indiqués par ledit ingénieur,
savoir les rouliers et voituriers dans la forêt, les charpentiers, cordeurs,
manœuvres, etc. aux anciennes portes de la ville, et aux différentes issues
de la ville.
AUBEPIN
Réquisition
de grains pour le troupe.
Montargis, le 28 janvier
1814.
Le Maire de la ville de Montargis,
Vu la lettre de M. le Sous-Préfet de l'arrondissement
du 26 janvier du présent mois, reçue le matin, par laquelle il l'autorise
à faire, dans les communes de l'arrondissement de Montargis, des réquisitions
de grains en méteil et seigle pour assurer le service des vivres-pain à
la troupe, que l'étapier ne peut fournir faute de fonds pour se procurer
des grains, se trouvant en avance vis-à-vis du Gouvernement de plus de 20.000
francs pour les fournitures qu'il a faites depuis le mois de décembre dernier
;
Considérant qu'il n'y a pas un instant à perdre
pour ne pas laisser manquer le service dont est question, le fournisseur
étant sans aucun moyen d'y subvenir par lui-même,
Arrête que, dans le jour, des réquisitions de grains
en seigle et méteil seront lancées dans les communes du canton de Lorris
avec injonction d'y satisfaire sans délai.
AUBEPIN
Recensement
des poudres
Le Maire de la ville
de Montargis,
Vu la lettre de M. le Sous-Préfet de l'arrondissement
en date de ce jour, par laquelle, sur la demande de MM. Les ingénieurs chargés
de mettre cette ville à l'abri de l'invasion de l'ennemi, de mettre à leur
disposition 1.200 livres de poudre pour faire sauter, en cas de besoin,
plusieurs ponts de cette ville, il autorise le soussigné à faire faire chez
les débitants de poudre les recherches nécessaires pour s'ne procurer la
quantité de mandée par lesdits ingénieurs,
Arrête que le commissaire de police se transportera
sur-le-champ chez les débitants de poudre pour s'assurer de la quantité
qu'ils peuvent avoir, qu'il en dressera de suite l'état et fera défense
expresse d'en vendre. Cet état sera ensuite transmis à M. le Sous-Préfet
; il sera en même temps fait une invitation à tous les habitants qui auraient
des poudres d'en venir faire la déclaration ào la mairie, pour s'en servir
au besoin.
Le 30 janvier 1814.
AUBEPIN
Sommes
mises à la disposition des ingénieurs, pour la défense de la ville.
La Maire,
Vu la lettre de M. le Sous-Préfet par laquelle il lui
transmet copie de celle de M. le Préfet, à lui adressée le 31 janvier, portant
qu'une somme de 10.000 francs doit être mise à sa disposition sir e fonds
du service des ponts et chaussées pour le paiement des travaux que Sa Majesté
a ordonnée pour la défense de la ville, mais que n'ayant point encore cette
somme, et rien ne devant cependant suspendre l'exécution desdits travaux,
qui sont de la plus grande urgence, la caisse municipale de cette commune
doit faire l'avance de tout ce qui s'y trouve, pour être employée au paiement
des ouvriers mis en activité pour lesdits travaux.
Vu le compte par aperçu présenté par le receveur
municipal, duquel il résulte qu'il n'y a en caisse qu'ne somme de 900 francs,
Arrête que la somme susdite de 900 francs sera
extraite de ladite caisse municipale et versée par ledit receveur ès mains
de M. Boucher, ingénieur, qui réintégrera ladite somme sur les premiers
fonds qu'il recevra pour ces travaux.
Le 1er février 1814
AUBEPIN
Destruction
d'un pont entre Fontenay et Nargis
Le Maire de la ville
de Montargis,
Vu la lettre de M. Legros, commandant de place de cette
ville, sous la date de ce jour, à 4 heures du matin, par laquelle il requiert
le soussigné, sous sa responsabilité personnelle, de prévenir sur-le-champ
M. le Maire de Fontenay qu'il ait à faire détruire, sans aucun retard ,
le pont situé en sa commune, et servant de point de communication avec la
commune de Nargis, la destruction de ce pont devenant importante dans les
circonstances actuelles,
Arrête qu'un gendarme d'ordonnance sera de suite mis
en réquisition pour porter une dépêche à M. le Maire de Fontenay, porteur
de la lettre de M. le commandant de la place, pour l'inviter à s'occuper
sans délai de la destruction dudit pont, dont le passage pourrait devenir
très nuisible en cas d'approche de l'ennemi.
Montargis le 2 février 1814.
AUBEPIN
Défense
de sortir de la ville
Le Maire de la ville de Montargis,
Sur les ordres de M. le commandant d'armes de cette place,
et attendu les circonstances, arrête qu'il sera fait dans le jour, une invitation
aux habitants de la ville, et même une injonction publiée à son de caisse
dans tous les endroits ordinaires, à l'effet de leur faire sentir combien
il est de leur intérêt de ne pas sortir aussi souvent et aussi légèrement
qu'ils l'ont fait jusqu'ici des portes de la ville, ces portes pouvant être
fermées tout à coup à l'apparition de l'ennemi dans les faubourgs, ce qui
les exposerait à ses coups et au feu du canon qui pourrait être tiré de
l'intérieur de la ville, dangers qu'ils ne peuvent éviter qu'en se trouvant
dans la ville même.
Le 11 février 1814.
AUBEPIN
Approvisionnement
du magasin militaire
(Sans fixations).
Matériel
pour ambulances.
Le Maire de la ville
de Montargis,
Prévenu que 600 blessés militaires sont dirigés
sur cette ville et doivent y arriver demain, 4 de ce mois, pour y rester
et y être pansés et soignés, arrête qu'il sera fait une invitation aux habitants
de cette ville à l'effet d'engager les personnes charitables de porter dans
le jour, à Mme la Supérieure de l'hospice, tous les linges à pansement qu'elles
pourraient avoir et de faire le plus de charpie possible, le dénûment absolu
dans lequel se trouve l'hospice forçant à recourir à cette ressource, à
laquelle chacun s'empressera sans doute de concourir, sans quoi il serait
forcé de prendre les mesures de rigueur et de réquisition.
Le 3 mars 1814
AUBEPIN
Passage
de la division Allix
Le Maire de la ville
de Montargis
Informé le matin que la division commandée par M. le général
Allix, venant de Château-Renard, arrivera vers les 6 heures du matin dans
cette place, pour y rester seulement quelques heures, invite ses concitoyens
à tenir prêts des rafraîchissements pour les militaires qui composent cette
division, attendu le peu qu'ils doivent être ici, et à la recevoir avec
cet empressement que méritent ces braves défenseurs de la Patrie.
(8 mars)
Travaux
de défense de la ville
Le Maire de la ville
de Montargis,
Vu la lettre de M. l'ingénieur ordinaire des ponts
et chaussées, motivée sur un ordre donné par le général Allix,
Arrête que les ouvriers employés jusqu'ici aux travaux
de défense de cette place seront prévenus sur-le-champ, par une publication,
que l'intention du général Allix et du commandant d'armes est de leur faire
distribuer, à partir de ce jour, les vivres, de même que les soldats en
jouissent, jusqu'au paiement définitif de leurs journées, dont ils se plaignent
de n'être pas payés ; il leur sera enjoint, en conséquence de ces dispositions
favorables de ces officiers, de retourner sur-le-champ à ces mêmes travaux,
et de les reprendre et continuer avec la même activité, sans quoi ils y
seraient forcés par le comandant de place
(8 mars.)
Levée
en masse.
Le Maire,
Vu le décret impérial du 26 février dernier relatif à
la levée en masse ;
Vu l'arrêté de M. le préfet, du 7 du présent, imprimé
à la suite dudit décret, ayant pour fin l'exécution des dispositions contenues
dans ce décret, et qui fixe le contingent à fournir par l'arrondissement
de Montargis à 650 gardes nationales et celui de la ville de Montargis à
50 ;
… Considérant que le délai accordé pour la levée des
50 hommes assignés à cette commune n'est que de vingt-quatre heures,
Arrête qu'il sera fait sur-le-champ une proclamation,
à l'effet d'enjoindre à toutes les gardes nationales de l'âge de 20 à 60
ans, célibataires, hommes veufs et divorcés sans enfants, de se présenter
aussitôt à la mairie pour s'y faire inscrire, les prévenant en même temps
que s'ils ne se présentent pas dans le délai de vingt-quatre heures, il
sera néanmoins procédé à la désignation des 50 hommes demandés.
(12 mars)
Dépôt
des armes
Le Maire,
Vu l'arrêté de M. le Préfet du Loiret ;
Vu les ordres de M. le commandant de place,
Arrête que, dans le jour, il sera fait au son de caisse
dans les endroits ordinaires de la ville, une invitation et injonction au
besoin à tous les habitants de venir faire, au secrétariat de la mairie,
la déclaration et même le dépôt des fusils de munition et de chasse, doubles
ou simples, qu'ils peuvent avoir en leur possession, et ce dans les vingt-quatre
heures, ces fusils étant destinés et devant servir à armer ceux qui seront
appelés à faire partie du contingent de la levée en masse.
(15 mars.)
NOTE
Garde
urbaine
Les désastres de la
campagne de Russie firent prendre au gouvernement des mesures pour la défense
du territoire français. La garde nationale fut réorganisée sous le nom de
cohorte urbaine le 17 décembre 1813. Elle formait 4 compagnies et avait
pour chef de la cohorte M. Durzy.
Le major Legros s'occupa, conjointement avec les autorités,
de la mise en activité de la cohorte urbaine : il fit distribuer des
fusils et des piques aux hommes qui n'étaient pas encore armés, et compléter
les cadres des officiers et des sous-officiers.
Les officiers de la garde urbaine de Montargis, réunis
dans une des salles de la mairie, en présence et sur l'autorisation de M.
Legros, major et commandant de place et de la garde nationale, sous la présidence
de M. Aubépin, maire de la ville, désirant assurer le service d'une manière
stable et faire cesser les difficultés et les demandes en exemption, ont
arrêté ce qui suit :
Art.1er. - La garde, à dater de ce jour, sera montée
en personne par tous les habitants portés sur les contrôles.
Art.2. - Tout habitant commandé sera tenu de se présenter
à l'heure qui lui sera donnée, habillé décemment, en souliers et chapeau
; il ne pourra se faire représenter que par son fils, son père ou son neveu
âgé de 18 à 20 ans au moins.
Art.3. - Tout habitant qui ne sera pas à son poste
lors de l'appel de la garde sera puni de trois heures de faction.
Art.4. -Tout habitant commandé qui ne sera pas
rendu à son poste lorsqu'il se trouvera en ville et qui n'aura pas justifié,
par un billet d'un des officiers de santé, de l'état de maladie où il est,
et qui lui ôte la faculté de monter la garde, sera puni de vingt-quatre
heures de prison. En cas de récidive, la peine sera de huit jours.
Art.5. - Tout habitant absent lorsqu'il sera commandé,
qui ne se présentera pas ou qui ne sera pas représenté, paiera la somme
de 5 francs. Cette somme sera versée dans les vingt-quatre heures entre
les mains du sergent-major de la compagnie, qui en rendra compte au conseil
d'administration. Faute de paiement de ladite somme, il recevra garnison,
qu'il sera tenu de loger et nourrir jusqu'à quittance de ladite somme.
(Le 22 mars 1814.)
D
PERTES
RESULTANT DE L'INVASION
Pertes
subies par les communes du canton de Montargis, du 12 février au 20 inclus.
(Chiffres arrondis.)
- Montargis : 45.100
francs
- Pannes : 1.400 f.
- Villemandeur : 3.300 f.
- Corquilleroy : 400 f.
- Cepoy : 2.800 f.
- Amilly : 2.300 f.
- Vimory : 700 f.
- Chevillon : 900 f.
- Saint-Maurice : 3.500 f.
- TOTAL : 60.400 francs
Le procès-verbal des pertes porte les détails suivants
; ces détails sont relatés par le maire, ainsi que dans le rapport adressé
au Ministre de l'intérieur par M. Constant de Moras, auditeur au Conseil
d'Etat :
1° La veuve Habert,
habitant le faubourg de la Conception, propriétaire d'une maison sise
au milieu du terrain que les Russes ont choisi pour établir leur camp,
a été forcée d'y recevoir le général et tout l'état-major. Les plaintes
continuelles qu'elle nous adressait sur les dévastations commises sur
son mobilier, linge, vivres, etc., nous décidèrent à nous transporter
auprès du général, qui parut écouter favorablement les réclamations
que nous lui adressâmes sur le peu d'aisance de cette veuve et le dédommagement
que nous le priâmes de lui accorder. Le lendemain, le camp fut levé,
et au lieu de lui donner une récompense promise en quelque sorte, des
serviettes, draps, couvertures de lit furent enlevés et emportés par
les officiers, sous les yeux mêmes du général.
2° Les maisons des faubourgs de Lyon et de la Conception
furent à toute heure de nuit attaquées par des cosaques, qui forçaient
les habitants à leur ouvrir, exigeant foin, paille, vivres et enlevant
chaudrons, linge et autres effets mobiliers, avec menaces et mauvais
traitements.
3° Nous avons vu que la ville avait reçu la promesse
qu'il ne serait plus fait de réquisition. A leur retour d'Orléans, les
officier, de leur propre autorité et sans avoir prévenu la mairie, se
sont portés de vive force dans les magasins des marchands, où ils ont
enlevé des draps fins, dentelles et indiennes pour des sommes considérables.
4° Le 20 février, l'officier chargé de la réception
des fourrages se présente au magasin. Un jeune homme de Montargis, requis
avec sa voiture destinée à la conduite du fourrage au camp, et dont
la voiture ne se chargeait pas assez vite, est frappé par l'officier
; il se révolte, la querelle s'engage ; l'officier furieux exige que
plusieurs autres particuliers qui étaient présents lui livrent le jeune
homme qui était déjà loin. La peur les saisit, ils se sauvent aussi.
Alors l'officier furieux revient à la mairie, demande de suite la réunion
du conseil pour qu'il avise au moyen de lui livrer le jeune homme. Il
va jusqu'à nous menacer de nous mettre la corde au cou et de nous conduire
ainsi au camp devant le général pour servir d'otages. A force de raisons
et de fermeté, nous avons été assez heureux pour assoupir cette affaire.
5° Sur le soir du même jour, au moment de leur départ plusieurs
officiers réunis à la mairie s'emportèrent en mauvais propos contre
les Prussiens et les Autrichiens et témoignèrent contre eux un mécontentement
extraordinaire, en disant hautement que ces deux peuples n'étaient que
des lâches et des traîtres, et qu'il n'y avait que les Russes et les
Français qui fussent braves.
6° D'après la déclaration écrite du maire de Vimory,
la fille Aimée Galerme, domestique, revenant de la ville, rentrait chez
elle ; elle y est aussitôt jointe par deux cosaques qui lui volent 360
francs, du linge, lui arrachent son fichu de dessus son col, lui en
couvrent la bouche, et la violent l'un après l'autre.
Dans toutes les communes rurales, les traitements
les plus barbares ont été exercés sur les habitants terrorisés ; des
propos révoltants étaient tenus par les Russes. Ils se vantaient de
se rendre à Paris pour y enlever ce qu'il y avait de plus précieux et
brûler la ville ; ils disaient hautement vouloir enlever les femmes
et les filles pour peupler leur pays.
A Courtenay, toutes les boutiques furent pillées
par les cosaques de Platov ; ceux-ci, au moment de leur départ, réunirent
sur la place tous les effets et objets pillés qu'ils ne pouvaient emporter
et y mirent le feu.